Premiers résultats

SYNTHÈSE DES RÉSULTATS DESCRIPTIFS

– Si les 175 séances de prélèvement se sont déroulées sur 63 départements, ce sont en fait des personnes issues de 84 départements, dont la Réunion, qui se sont soumises aux prélèvements. La presque totalité du territoire a ainsi été couverte. Sur la carte ci-dessous sont représentés les 83 départements métropolitains dont sont issus les 6848 personnes ayant effectué un prélèvement.

– La démarche a concerné toutes les tranches d’âge, de 6 mois à 94 ans.

– Près de 100% de la population est contaminée avec seulement 14 personnes pour lesquelles la présence de glyphosate n’a pas été détectée (taux inférieur à la limite de quantification qui est de 0,075 microgramme par litre). Le taux moyen est de 1,17 ng/ml, et 50 %  de la population a un taux supérieur à 0,90 ng/ml.

Les personnes ayant participé à la Campagne Glyphosate sont des individus très sensibilisés au problème des pesticides, et ont un comportement (alimentation, lieu de vie, lieu de travail, activité physique) devant en principe limiter leur exposition aux produits phytosanitaires. Ainsi

  • 93% de l’échantillon a une alimentation comportant une partie de produits bio, et la moitié de cet échantillon a une alimentation composée de plus de 70% de produits bio.
  • La moitié des individus ne consomment que 3 repas de viande par semaine et 1 de poisson. 
  • Près de 20% se déclarent végétariens.
  • Près de 23% consomment systématiquement de l’eau filtrée.
  • La moitié des individus consommant de la bière, consomment plus de 50 % de bière bio.
  • La moitié des individus consommant du vin, consomment plus de 75% de vin bio.
  • La moitié  des individus consommant du jus de fruit, consomment 100% de jus bio.

Il est clair que l’échantillon étudié n’est pas représentatif de la population française :

– De par son alimentation, avec une sur-représentation des personnes se déclarant végétariennes, végétaliennes ou véganes (20,8%).

– De par sa structure professionnelle, avec une sur-représentation des retraités (28,6%), des cadres et professions intellectuelles supérieures (28,7%), des professions intermédiaires (41,2%), et des agriculteurs (10,2%), ainsi qu’une très forte sous-représentation des employés (11,6%) et ouvriers 2,8%).

– De par son environnement avec une sur-représentation d’une résidence principale dans un lieu-dit (26,5%) ou d’environnement non urbain (61,9%) 

– De par son activité physique, avec une très forte activité physique régulière ou occasionnelle (90%), ou l’exploitation d’un jardin (60%).

Pourtant, malgré ce mode de vie qui semble propice à une vie saine, le taux moyen de glyphosate dans les urines est de 1,17 ng/ml, soit un taux près de 12 fois supérieur à la norme de qualité de l’eau qui est de 0,1 ng/ml. Il est à craindre que les résultats sur l’ensemble de la population française soient beaucoup plus inquiétants.

Une étude scientifique basée sur les résultats de la campagne glyphosate montre une contamination généralisée des Français par cet herbicide.

Traduction française et intégrale de l’article

Des citoyens concernés par la question de la contamination par les pesticides et les risques pour la santé ont eu l’idée de faire rechercher le glyphosate (l’herbicide le plus utilisé, suspecté d’être cancérigène pour l’homme par les experts du CIRC de l’OMS), dans leurs urines. Tous se sont avérés contaminés. Ils ont alors créé l’association Campagne Glyphosate France à l’échelle de notre pays. L’un des objectifs, en ciblant le glyphosate, bien connu du grand public, en tant que marqueur des pesticides, était d’estimer les niveaux de contamination des citoyens par des pesticides. Un comité scientifique a été constitué avec des membres indépendants de la communauté scientifique et médicale pour conduire l’étude. Ainsi, entre juin 2018 et janvier 2020 une campagne de recherche de glyphosate dans les urines des citoyens a été organisée sur le territoire français par cette association. 175 séances de prélèvements ont permis d’analyser les urines de personnes provenant de 84 départements français, dont l’île de la Réunion. Au total, 6848 prélèvements ont été effectués sous contrôle d’huissier, puis analysés par le laboratoire allemand Biocheck. Les résultats de l’étude seront publiés dans la revue scientifique spécialisée Environmental Science and Pollution Research (ESPR), en janvier 2022

Les résultats obtenus montrent une contamination générale, avec un taux de glyphosate quantifiable pour 99.8 % de la population française testée et un taux moyen de 1,19 ng/mL. Ces résultats pour la France sont en accord avec d’autres données d’études réalisées dans d’autres pays, en particulier européens (Knudsen 2017 ; Conolly 2018 ; Ferreira 2021)

Lors du prélèvement, chaque participant avait rempli un questionnaire afin de rechercher d’éventuels liens entre le niveau de contamination par le glyphosate et différents facteurs tels que les caractéristiques biologiques, les habitudes alimentaires, l’exposition professionnelle, le mode de vie, les saisons …

En résumé, nos résultats, publiés dans la revue Environmental Science and Pollution Research

1) confirment des résultats connus

– des taux plus forts chez les hommes, comme l’avaient déjà révélé d’autres études (Conrad, 2017), ainsi qu’une diminution du taux avec l’âge, phénomène déjà observé (Curwin, 2007 ; Fagan, 2020).

– des taux plus forts chez les agriculteurs, résultat établi depuis de nombreuses années (Acquavella, 2004 ; Curwin, 2007 ; Conolly, 2017, 2018 ; Perry, 2019).

– des taux plus faibles chez les personnes consommant essentiellement des produits de type bio ou autres labels, comme révélé par d’autres auteurs (Baudry, 2019 ; Fagan, 2020)

2) confirment des résultats suspectés

– parmi les agriculteurs, des taux plus forts chez les viticulteurs. L’utilisation intensive des pesticides dans les vignobles est connue (Agreste, 2020), mais on n’avait pas encore montré une contamination plus élevée chez les viticulteurs.

– des taux plus forts chez les fumeurs. Il est connu que le glyphosate est utilisé comme dessicant peu de temps avant la récolte du tabac, mais à notre connaissance aucune étude n’avait montré l’impact sur les fumeurs.

3) montrent des résultats nouveaux

– des taux plus forts au printemps et en été, ce qui conforte des études montrant le même phénomène à la surface d’eaux douces (Byer, 2008) ou d’eaux souterraines (McManus, 2014).

– des taux plus forts pour les consommateurs d’eau du robinet, de source naturelle ou de puits (ceci ne concerne pas l’eau en bouteille, qu’elle soit étiquetée eau de source ou eau minérale)

– des taux plus faibles chez les personnes consommant de l’eau filtrée

En conclusion, nos résultats contribuent à la description d’une contamination généralisée au glyphosate de l’échantillon testé de la population française et soulèvent la question de la pérennité d’un usage très généralisé des herbicides à base de glyphosate, et plus généralement de tout autre pesticide.

Référence de l’article :

Titre : Quantifiable urine glyphosate levels detected in 99% of the French population, with higher values in men, in younger people, and in farmers

Auteurs : Daniel Grau, Nicole Grau, Quentin Gascuel, Christian Paroissin, Cécile Stratonovitch, Denis Lairon, Damien A. Devault, Julie Di Cristofaro

Journal : Environmental Science and Pollution Research (ESPR)